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Interview de Kostas Gournas
Interview du militant incarcéré - juin 2014
1. Pouvez-vous nous parler de la situation générale en Grèce?
La crise vit actuellement la crise la plus multiforme qu’elle ait jamais connu en temps de paix au cours de l’histoire récente et celle-ci est en plein essor. Ces cinq dernières années, des bouleversements tels qu’on ne peut en attendre qu’en temps de guerre se sont produits. La crise financière mondiale de 2008 a amené la Grèce au sommet de la crise européenne de la dette et le défaut sélectif du pays comme modèle pour l’imposition d’une austérité extrême à travers l’Eurozone. Une ‘traitement par électrochoc’ si accablant n’a été imposé à aucun autre pays en une période si courte, avec des conséquences désastreuses pareilles pour la société - pas même durant les premières expériences de l’école néo-libérale en Amérique Latine. Un traitement qui a dévasté l’économie, évaporant 25% du PIB du pays, créant près de 2 millions de chômeurs et forçant la majorité de la population à vivre sous le seuil de pauvreté.
La société grecque fait face à un double défaut. Le défaut financier est développé comme suit: un énorme déficit budgétaire du gouvernement a gonflé l’envergure des obligations à dix ans afin que l’état grec ne puisse pas profiter à la dette. L’imposition de la Troïka (FMI - UE - CE) pour maîtriser l’économie - pas simplement le pays - a fait monter la dette jusqu’au point qu’elle ne devienne insoutenable. En même temps que le processus de la restructuration de la dette (implication du secteur privé), l’exposition des établissements de crédit étrangers fut remplacée par des obligations grecques qui furent par la suite transmises aux gens ayant contractés de nouveaux prêts aux travers des transnationaux FESF et MES.
L’autre défaut est politique. Depuis la fin de l’année 2008, le système politique du pays montre des signes d’effondrement. Le système de pouvoir bi-partite qui a géré le pays pendant 35 ans s’est rapproché de sa fin de vie. Le pillage des richesses sociales par l’élite économique grecque qui est entrelacée avec les autorités politiques, par l’intermédiaire de l’absolue corruption des fonctionnaires, a réduit la crédibilité des politiques à néant. Pour la première fois, aux élections de 2012, il n’y a pas eu de gouvernement majoritaire, les partis traditionnels au pouvoir ayant perdu un grand pourcentage de leur force électorale. En même temps, il y a eu une forte augmentation dans l’électorat des votes pour la gauche systémique et le parti nazi d’extrême droite.
Le gouvernement qui est ressorti des élections de 2012 avait un pilier majoritaire du parti de droite Nouvelle Démocratie, qui est dirigé par un premier ministre de droite et son conseil des ministres. Une fois qu’il fut totalement soumis aux impératifs de la Troïka amenant même une plus grande destruction du pays, il a adopté un ferme programme d’extrême droite en lançant une attaque féroce contre les luttes sociales et ouvrières et contre les groupes politiques qui s’opposaient l’assaut néo-libéral. Cette direction était destinée à garantir une mise en oeuvre douce du memorandum avec la répression brutale et le terrorisme, à maintenir un profil d’extrême-droite déstabilisant le monopole du parti nazi en distrayant ses électeurs, et finalement, à pousser les candidats au pouvoir de gauche (Syriza) à soutenir et à adopter des politiques plus conservatrices.
Ces six derniers mois, au cours desquels la Grèce a assuré la présidence du Conseil de l’Europe, tout a tourné autour des élections qui se sont tenues les 18 et 25 mai. Le gouvernement a été obligé de faire un pas en arrière, abandonnant momentanément son discours d’extrême-droite et ses initiatives législatives visant les prisonniers politiques, lorsqu’il fut révélé qu’il avait des rapports directs avec le parti nazi, et de se concentrer à promouvoir les progrès positifs des indicateurs économiques comme ses succès. Dans mouvement coordonné poussé par les élections pour les pays ayant un memorandum, la Direction Générale européenne a présenté le succès des programmes imposés à la Grèce et a lancé une obligation annuelle couverte par les marchés. Cette évolution visait à présenter le gouvernement comme étant la seule option fiable pour le peuple grec.
Au niveau social et cinématique, c’est la stagnation qui prévaut. Un des résultats de cette crise est l’effondrement psychologique de la société. Le désespoir et le pessimisme ont mis dans le plâtre toutes les dynamiques sociales et politiques venant d’en bas. Les profondes transformations se produisant ont créé d’étranges ‘limbes du temps’. Tout espoir qu’un régime de gauche puisse changer les choses condamné par avance, et ceci est devenu une conscience commune. La couche sociale qui espère un gouvernement de gauche souhaite simplement éviter le pire plutôt qu’elle n’espère améliorer sa qualité de vie. Pendant ce temps, l’extrême droite semble se renforcer de manière significative malgré la persécution du gouvernement à l’égard des dirigeants du parti nazi (Aube Dorée), prouvant une fois encore qu’historiquement, en temps de crise, la société prend un tour conservateur.
Le mouvement radical plus large semble incapable de comprendre la profondeur de la crise et le bouleversement social qui l’entoure. Ayant perdu d’importants instruments traditionnels de lutte en raison de la répression, il lutte pour trouver son identité politique, pour trouver sa place au sein de cette transformation. C’est un moment où on doit à nouveau tout redécouvrir depuis le début, concevoir de nouveaux instruments de lutte qui, en rapport avec les anciens, permettront le renversement des corrélations grandissantes contre nous.
2. Dans quel contexte ce projet étatique ‘Guantanamo’ doit-il être compris?
Le projet de loi pour mettre en place le système pénitentiaire de sécurité maximum et tout le projet pour le durcissement des conditions dans les prisons font partie de l’expansion de l’état d’urgence imposé par l’assujettissement du pays au contrôle de la Troïka. Cela correspond également à l’effort éternel de l’état grec pour créer un statut d’exception pour les prisonniers politiques. Cela vient dans l’enchainement de l’application du programme de droite du gouvernement. Le coeur du projet de loi est l’extermination des prisonniers politiques à une époque où il y a une relance de la guérilla urbaine.
Ils ont tenté d’imposer les mêmes conditions en 2002 après les arrestations du groupe du 17 Novembre, et également après, à l’issue de leur procès quand ils furent déplacés dans un quartier spécial d’isolement. Cet isolement a été appliqué durant plusieurs mois et a été brisé par des grèves de la faim et une mobilisation de solidarité. Il y a dix ans, il n’y avait aucun consensus social pour légitimiser un tel plan. La Grèce n’avait pas de place pour les ‘cellules blanches’. La grosse mobilisation contre ces dernières a été très importante, et en connexion avec les actions dynamiques, cela a stoppé le projet.
3. Manifestement, ce n’est pas la première tentative de mettre en place ces quartiers d’isolement, quelles ont été les causes qui ont aidé la résistance à faire avorter le projet? La résistance augmente, quels projets et quelles idées avez-vous concernant ces initiatives et ces combats qui doivent avoir lieu?
Les luttes contre le projet de loi développé par le gouvernement ont commencé à l’initiative des prisonniers politiques et avec la participation de plusieurs autres dans diverses prisons du pays ces deux derniers mois. Depuis l’annonce et jusqu’à aujourd’hui, lorsque le processus législatif a été ralenti à cause des élections, il y a eu une nouvelle guerre de tranchées en prévision des évolutions. Nous aurons certainement besoin d’une importante campagne de longue-portée menée par les prisonniers et les groupes solidaires afin d’empêcher l’adoption de ces lois puisqu’il s’agit d’un choix stratégique du gouvernement.
4. En Grèce, divers groupes, également depuis la clandestinité, sont actifs, quels sont leurs objectifs?
La Grèce a une longue et importante tradition de lutte armée. Ce phénomène unique sur le continent européen qui continue à nourrir la résistance a beaucoup à voir avec la légitimité sociale dont il jouit. D’une part, les causes qui produisent cette expression de la résistance restent, tout spécialement dans les conditions de crise actuelles, et d’autre part, il n’y a eu aucun signe de désapprobation de la part du peuple grec.
5. Comment la solidarité internationale révolutionnaire peut-elle devenir une arme dans votre lutte?
La crise en Grèce a essayé d’imposer le régime de quarantaine pour les prisonniers politiques qui est déjà en vigueur dans plusieurs pays européens. Les dirigeants de l’UE veulent présenter le peuple grec comme des citoyens modèles, brandissant leur allégeance aux politiques d’austérité néo-libérales afin de terroriser les autres pays membres. C’set donc un défi pour le mouvement et la population grecque de lancer la résistance contre cette brutalité. La solidarité internationale révolutionnaire est un lien essentiel dans le combat contre ce nouveau projet de loi pour les prisons. Il est important de faire la propagande la plus importante possible de cette lutte pour mettre la pression sur l’état grec. Pour le moment, les évolutions en Grèce sont toujours sous les projecteurs à travers le monde puisqu’elles mettent en danger l’avenir de l’eurozone, et c’est par conséquent une chance pour les révolutionnaires à travers le monde pour renforcer cet événement en profitant de la situation fluide dans notre pays.
Juin 2014
Kostas Gournas
Dikastiki Filaki Korydallou
Paratima Gynaikeion
Filakon Korydallou, ST
Pteryga, Solomou 3-5, 18110
Korydallos, Athènes, Grèce
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