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Ma captivité
Andrey ‘Che’, 30 janvier 2015 Prison de la ville de Marioupol, RPD
Quelle est la différence entre la captivité et l’arrestation? Maintenant, je le sais. C’est que, lorsque vous êtes arrêté, vous avez le droit d’avoir un avocat, d’appeler votre famille, d’un respect de la loi. Mais lorsque vous êtes capturé - vous disparaissez pour tout le monde. Vous n’êtes nulle part. Vous n’avez droit qu’au froid, à la torture et à la disparition vers nulle part si vous refusez de parler aux militaires. Vous êtes un anonyme et il y a une impunité totale. Et cela est pratiqué par l’État ukrainien, pas par un gang criminel.
J’ai été capturé le 26 décembre 2014 alors que je conduisais ma voiture, par erreur, vers un poste de contrôle ukrainien près de Gorlovka. Je venais de Donetsk et je me rendais à Gorlovka pour rendre visite à un ami, un anarcho-communiste, Egor. J’étais arrivé le 4 décembre dans la République Populaire de Donetsk (RPD) pour aider des camarades - communistes et socialistes - et pour travailler dans les usines de Donetsk. Je suis un ouvrier, un armurier de profession. Mon expérience était nécessaire pour armer nos camarades et aider la république dans sa lutte pour l’indépendance. Je suis un révolutionnaire russe, un communiste. Je prends part à la lutte politique depuis 1996. J’ai été condamné quatre fois à la prison pour mes prises de position politiques radicales et pour fabrication d’armes. J’ai 36 ans et j’en ai passé 9 en prison. Je ne pouvais pas ignorer la demande des camarades de la RPD et refuser de les rejoindre.
Ici, dans la RPD, la situation politique est compliquée: il y a des conservateurs et aussi des supporters de l’état social. Je veux aider les forces de la gauche ukrainienne. Notre objectif est de transformer une guerre entre les peuples en une guerre entre les riches et les pauvres. Tant dans la RPD qu’ici, en captivité, je ne vois que des soldats issus de milieux pauvres - ce sont des ouvriers, des paysans, des jeunes chômeurs. Il n’y a pas de riches sur la ligne de front. Les riches ont de l’argent et des affaires, ils paient pour échapper au service militaire.
Mais j’ai également vu des nationalistes, le ‘Secteur Droite’ qui avait reçus des armes de l’État et qui maintenant, font la guerre. Lorsque la guerre sera finie, ils ne choisiront pas de déposer les armes, même aujourd’hui, il commence à prendre le pouvoir, à entrer dans des organes policiers. Même les officiers de la simple police ou du Service de Sécurité de l'Ukraine (SSU) en sont mécontent. Lorsque les nationalistes prennent le pouvoir dans un pays multinational tel que l’Ukraine, cela entraîne un démembrement et des effusions de sang. ‘L’intégration européenne’ n’était qu’une couverture pour cela.
Ce n’est que le 29 décembre que j’ai été officiellement arrêté et conduit au SSU de la ville de Marioupol. Avant, j’avais été caché dans les ‘caves’ - ce sont les prisons militaires secrètes dans la zone d’opération anti-terroriste. N’importe quel pièce peut devenir une prison de ce type: un container en métal à l’intérieur duquel il fait noir même en plein jour et froid comme à l’extérieur; une cave de café déserté avec des cages artisanales pour les gens; une simple cellule anonyme dans un département de la police. Il n’y a qu’une seule chose en commun entre tous ces endroits - vous êtes seul, vous ne savez ni où vous êtes ni ce qu’il va vous arriver; tout mouvement est effectué les mains liées et avec une cagoule dont les trous sont à l’arrière - vous ne pouvez rien voir. Je n’ai vu ceci que dans des films sur le kidnapping. Tous les militaires sont aussi masqués. Le passe-montagne est devenu le symbole de l’anonymat et de la guerre.
J’ai vécu beaucoup de choses dans ma vie. J’ai aussi été torturé par la police. Mais dans les ‘caves’, la torture est systématique, tout le monde y est obligé de parler. Parce que ceux qui refusent de parler - ils n’en reviennent jamais. Ils disparaissent. Lorsque j’ai été détenu au poste de contrôle, j’avais des éléments de preuve contre moi - mon passeport de citoyen russe, un ruban de St George à l’antenne de ma voiture, mes papiers de travail. Donc je n’ai pas gardé le silence, j’ai confirmé ce qui était apparent - j’avais aidé la RPD. Tout au début, ils m’ont démontré ce qui m’attendait si je gardais le silence - immobilisation, grille, dispositif d’électrocution, masque à gaz, etc. Maintenant, je suis accusé de terrorisme - sur base de l’article 258 du code pénal de l’Ukraine, tant que les autorités considéreront les Républiques Populaires de Donetsk et de Lougansk comme des ‘organisations terroristes’. Des milliers de médecins, de professeurs, de fonctionnaires travaillent dans la RPD, et ils sont aussi considérés en tant que ‘terroristes’. Quel absurdité!
J’attends un échange. Mes camarades m’ont inclus dans la liste de l’échange de prisonniers entre l’Ukraine et la RPD. Je suis actuellement un prisonnier politique. Nous sommes plus d’une centaine ici dans la prison: des miliciens, des activistes de l’opposition, des ‘complices’. Nous sommes tous accusés en vertu de l’article 258. Je peux entendre les tirs d’artillerie par la fenêtre de ma cellule, la prison est proche de la ligne de front. Je ne sais pas ce qui peut nous attendre: une peine de prison, ou un échange, ou une balle perdue, ou une fusillade tels des otages.
Je clôture en affirmant une grande gratitude à l’égard de tous ceux qui ont exprimé leur solidarité en regard de ma situation.
Vive la Novorossia socialiste!
Liberté pour tous les prisonniers!
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